• J'ai écouté avant-hier le discours dit de la Sorbonne d'Emmanuel Macron, discours fleuve de près de deux heures, avec une certaine incrédulité et une grande admiration. Voilà bien longtemps qu'on n'avait pas entendu de la part d'un président français une telle déclaration d'amour envers l'Europe ! Au risque de me faire tacler par ceux qui, depuis des années, étalent en long et en large leur déception, leur pessimisme, leur défaitisme, ou leurs accusations envers une Europe à l'origine de tout ce qui ne va pas, je dirai que c'était l'exposé d'une véritable vision, d'un objectif à long terme, qu'aucun président de la Vème République n'avait jamais exprimé de cette façon. Avoir une vision, c'est autre chose que d'aligner un patchwork de mesures ou de mesurettes limitées à ce qui est « possible », à ce qui est « acceptable » par les autres, à ce qui est finançable, sans jamais dépasser l'horizon de la législature, sans jamais justifier ce qu'on fait autrement que par des chiffres, par un soi-disant « réalisme », tout en exprimant en privé ou en public les doutes sur ce qu'on fait et en justifiant lâchement ce qui échoue par l'effet néfaste d'un mystérieux « Bruxelles », source de tous les maux.

    A l'image du livre de Rutger Bregman « Utopies réalistes », que je suis en train de lire, le discours que j'ai entendu ressemble en effet à cela : une utopie réaliste. Avoir une vision à long terme, c'est énoncer le but que l'on veut atteindre et ébaucher ce que pourrait être une route à suivre, en sachant pertinemment que tout ne se fera pas, qu'il y aura des blocages et des obstacles à contourner, que ce sera dur, qu'il faudra tenir bon, mais en ayant toujours à l'esprit cette utopie, ce rêve qui justifie et magnifie tous les efforts.

    Comme le dit Bregman, les utopies sont utiles car « les attentes par rapport à ce que notre société peut accomplir se sont spectaculairement érodées, nous laissant face à la dure et froide vérité qui veut qu'en l'absence d'utopie tout le reste n'est que technocratie ». Les utopies doivent guider nos actions, car il faut agir avec en tête un idéal plutôt que laisser faire une technocratie prétendument réaliste alors qu'elle ne fait que la preuve de son manque d'imagination.

    Et quand je vois qu'après un tel discours nos éclairés commentateurs font la fine bouche et n'arrivent pas à sortir de cette critique permanente qui les fait vivre, les bras m'en tombent. Personne ou presque dans les journaux télévisés, les chaînes d'information, les vieux journaux papier, ne voit ce qu'il y a de nouveau dans cette manière de placer le rêve comme un guide qui confère de la valeur aux actions à mener. Ils ramènent toujours leurs discours rabâchés à ce qu'ils ont connu. Ils ne savent pas sortir de leur conservatisme, de leurs habitudes de pensée, figés par ce que la politique leur a appris depuis longtemps. Pourtant, tous se targuent de savoir « décrypter » l'actualité et les discours des hommes politiques, au cas où nous serions tous trop bêtes pour ne savoir le faire nous-mêmes...Trois minutes sur le JT de France 2 sur cette question cruciale, et ensuite 10 minutes sur le recrutement d'un footballeur ou la fabrication des cotons-tiges...

    Emmanuel Macron, on en pense ce qu'on veut, mais il est indéniable qu'il rend sa place à la fonction présidentielle, comme le disent beaucoup de gens, et pas que les « macronistes »...

     


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